Albert Rubin, peintre de la réalité
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Par Nicole Benaim pour Guysen Israel News.
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Jeudi 8 février 2007 à 17:47
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Certains peintres juifs du siècle dernier ont accédé à la célébrité et demeurent inscrits dans l’histoire de la peinture. D’autres n’ont pu donner leur mesure: ils ont péri dans les camps de la mort avec les poètes, les écrivains, les musiciens, un million d’enfants et des millions d’hommes et de femmes. Parmi ceux qui ont échappé à la déportation, des peintres dont le talent a été reconnu de leur vivant, n’ont pas eu, du fait de la guerre, la notoriété qu’ils méritent. Albert Rubin est de ceux-là.
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Un livre et deux expositions récentes à Paris des œuvres du peintre Albert Rubin (1887-1956) nous ont fait découvrir un grand artiste.
Albert Rubin est né en 1887 à Sofia en Bulgarie, dans une famille modeste. Apprenti- menuisier, très doué pour le dessin, il est remarqué par le professeur Boris Schatz qui le fait entrer à l’école des Beaux-Arts de Sofia. Il a 18 ans quand Boris Schatz crée l’Académie d’art et d’artisanat Betzalel à Jérusalem selon un projet, approuvé par le congrès sioniste de 1905, projet visant à encourager les jeunes artistes juifs les plus doués d’Europe à étudier en Terre d’Israël. Albert Rubin, reçu dans les premiers à Betzalel, y restera 3 ans, durant lesquels il peint et sculpte.
Une existence difficile
De retour en Bulgarie, il décide de venir à Paris. Il passe avec succès le concours d’entrée à l’école des Beaux-Arts. Il n’a pas un sou en poche, vend ses œuvres sur le trottoir et dessine sur le bitume. Il poursuivra ses études jusqu’en 1916.
Pressenti pour le grand prix de Rome, il ne peut concourir en tant qu’étranger.
Il entre dans la célèbre revue littéraire «l’Athénée de France» et débute une carrière de portraitiste. Les journalistes de l’époque lui prédisent un brillant avenir.
Sa mère meurt en Bulgarie. Son père, veuf, rejoint Albert à Paris. Il débarque de Sofia avec ses cinq autres enfants dont l’aîné a 16 ans et le plus jeune 4 ans.
Peu après son arrivée à Paris, le père meurt à son tour. Ainsi en 1914, le jeune peintre se trouve chargé d’âmes. En travaillant sans répit, il pourvoira à la survie et à l’éducation de ses frères et sœurs, placés dans des institutions juives.
Son talent est reconnu et il vit grâce à de nombreuses commandes de portraits où il excelle (fig. 1). Il expose dans des salons parisiens dont le Grand Palais. Il fait partie de la «société des Artistes de France», et sera primé.
Il exécute des travaux décoratifs, s’essaye à la publicité, crée une affiche qu’on verra sur les murs du métro parisien.
En 1931, il perd accidentellement l’œil gauche, mais reprend très vite son travail.
En 1933, à l’âge de 46 ans, il se marie ; il aura 2 enfants.
Il fait un séjour en Suisse où il connaît un grand succès, devient un portraitiste recherché. Septembre 1939, c’est la guerre puis la défaite et l’occupation. Albert Rubin doit se cacher avec sa famille, subsiste en monnayant quelques tableaux. L’après-guerre, dans une France dévastée, n’est pas une période faste pour le marché de l’art.
Il sera l’un des fondateurs de l’«Association des Artistes Peintres et Sculpteurs Juifs de France» et figurera dans tous ses salons. Lauréat en 1950 du Salon des Artistes français il expose presque tous les ans au Grand Palais.
Albert Rubin meurt en 1956 des suites d’un accident de la circulation, à l’âge de 68 ans.
Croquis, huiles, pastels : un peintre complet
Il a laissé une œuvre immense que sa fille Sylvia met en lumière depuis 2004 quand elle en devient la seule héritière à la mort de son frère Claude.
Sylvia nettoie elle-même ou fait restaurer les tableaux souvent en mauvais état, essaye de les classer et de comprendre le parcours de l’artiste. Elle a ainsi pu retrouver des photos de son père en compagnie du peintre célèbre Mané-Katz.
Un croquis de Léon Blum voisine avec celui de Paul Vaillant-Couturier, sans que l’on sache dans quelles circonstances ils ont été exécutés.
Albert Rubin a peint aussi des paysages.
- La période israélienne l’inspire avec les pierres roses de Jérusalem sous un ciel bleu immense, les ruelles et les souks, les visages burinés d’arabes, les vêtements drapés d’un pacha. (fig. 2).
- La période suisse exprime la sérénité. Albert Rufin a saisi toute la majesté des sapins, des prés et des lacs limpides.
- Paris est magnifique sous ses pinceaux, avec ses ponts, les quais de la Seine, l’église Notre-Dame, les jardins du Luxembourg.
Les arbres dénudés sans feuilles qui lancent au ciel leurs bras décharnés sont travaillés comme des portraits (fig. 3).
Un devoir de mémoire
Ses tableaux sont construits avec rigueur et une attention particulière sur la lumière et les contrastes ombre et lumière. Tous ont en commun la sensibilité, la réserve bienveillante, l’intelligence aiguë avec lesquelles il a observé ses modèles pour en représenter l’âme .
Les couleurs sont subtiles, jamais heurtées : des beiges, des verts d’eau, des bleus ardoise. Les gris, les noirs sont ses couleurs phares. Mais sa palette change suivant le sujet et il ose les contrastes, toujours avec le même bonheur.
Il utilise tous les matériaux : crayons noir et de couleur, pointe bic, fusain, sanguine pour aborder la réalité qu’il analyse avec précision et sensibilité : il peut peaufiner les détails, peindre avec délicatesse les feuilles des arbres ou brosser par taches une falaise au coucher du soleil, changeant ainsi de style d’une œuvre à l’autre. S’agit-il d’époques différentes de sa création artistique ou de choix distincts selon son humeur ? La plupart de ses tableaux ne sont pas datés et l’on ne peut répondre avec précision.
On perçoit tantôt le regard de Cézanne pour les paysages, de Matisse pour les croquis ; de même retrouve-t-on des factures impressionniste et cubiste, mais toujours le style propre à Albert Rubin.
La lutte de tous les instants pour survivre l’a-t-elle empêché de poursuivre une démarche picturale ? Alors que son talent apparaît d’emblée comme une évidence.
Sylvia s’attache à faire connaître l’œuvre de son père. Sont prévues des ventes aux enchères à Paris et d’autres expositions à Paris, ainsi qu’au musée d’Ein Arod en Israël. Des pourparlers avec le musée de Tel-Aviv sont en cours en vue de l’acquisition de plusieurs toiles.
S’il existe un devoir de mémoire, c’est bien à nous, héritiers d’un monde disparu qu’il incombe de tirer de l’ombre des talents de cette qualité.
Source
Albert Rubin, biographie illustrée. Marquises Edition. Paris, 2006.
Figure 1 - La jeune fille aux yeux de rêve
Figure 2 - Palais du roi David. Jérusalem
Figure 3 - L’hiver
Figure 4 - La jeune fille
Figure 5 - Autoportrait
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